En ce temps là, le rugby était un sport méprisé par les média, par les journalistes, et par la majorité des gens.
Seules quelques communautés, au parfum encore rural de cèpe et de palombes, célébraient chaque dimanche, avant, pendant et après la rencontre, le bonheur de vivre ensemble une parenthèse hebdomadaire de plaisir.
Quelques bouillants clubs d’étudiants, en excès de testostérone, venaient défier les campagnes, ou se défiaient entre eux, histoire de construire des hommes, au soleil du sud-ouest.
La vie, quoi…
Bien sûr, d’autres, plus au nord, dans des iles pâles et brumeuses, revendiquaient, avec le révisionnisme qu’ils savent si bien pratiquer pour modeler l’histoire à leur convenance, la paternité de ce sport.
On leur en aurait laissé une part, autour d’un verre de vin, s’ils n’en avaient voulu le monopole fructueux.
Pour régler cette affaire si délicate, tous les ans, on allait les voir, ils venaient nous voir…
Des fois ils gagnaient, des fois on gagnait… en fait, peu importe !
A l’autre bout du monde, bizarrement, la bouture prenait, et des colons rustiques et austères inventaient, en symbiose avec les peuples qu’ils avaient asservis, une manière de jouer à ce jeu, totale et musclée, vive et tonique.
Il leur fallait six mois, quand ils traversaient la moitié de la terre, pour venir en tournée en Europe, a bord d’antiques paquebots.
Les gazettes s’étonnaient alors de leur prestation, les vieux du coin hochaient la tête, les étudiants rêvaient.
Puis ils repartaient.
Pendant ce temps là, un cancer général rongeait le monde. Il a beaucoup de noms, capitalisme, appât du gain, faut-faire-de-l-audimat-coco, football, médiocrité, on-parle-de-valeurs-mais-on-ne-sait-même-pas-ce-que-ça-veut-dire…
Appelons le professionnalisme.
Longtemps, les docteurs ont cru que le corps social rugbystique était immunisé, tout au moins réfractaire, à ce cancer.
NON il ne l’est pas.
De petits accrocs en estafilades anodines, le rugby est mourant.
Oh on aura encore de beaux spectacles, de superbes Haka, entre deux pubs de déodorant au vétiver, des anglo-saxons bodybuildés aux stéroïdes se congratulant devant des caméras, en prenant soin de mettre en avant le logo du sponsor du moment.
On aura de superbes plateaux télés dans lequel des animateurs ignorants, sans cravate pour faire viril, tutoieront des anciens joueurs transpirant sous les spots, débattant doctement de pourquoi tel joueur n’est pas sélectionné.., et maintenant une page de pub pour une voiture que les vrais mecs barbus doivent acheter.
On aura même encore de belles finales, probablement avec Haka, entre deux marques de déodorant au vétiver, et des anglo-saxons bodybuildés aux stéroïdes se congratulant devant des caméras, en prenant soin de mettre en avant le logo du sponsor du moment.
Seuls les footeux penseront que c’est du rugby.
Ils n’y connaissent rien
Ils n’ont jamais rien compris à ce que sont les hommes.
Normal : ils n’en sont pas.
Le bon vieux temps est encore dans quelques bouquins(*), je vais en relire, donc oui, vivement le bon vieux temps.
(*) surement TF1 éditions, préfacé par Jean-Pierre Pernaud...
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